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Le
nom de Propières : quelle origine ? (3/3)
(En
patois “Propire”)
Conclusion
À
l’issue de cette quête concernant l’origine
et la nature des pourpris, il serait judicieux de se poser la
question de savoir si le mot pourpris est présent
hors de Propières et s’il était alors d’un
emploi fréquent dans la langue parlée de la région.
On ne trouve aucun toponyme pourpris, porpris
ou pourprix en Saône et Loire et dans le Rhône.
Mais le patronyme Pourprix y est relativement fréquent
: il est classé 796ième parmi les 1000 premiers
noms de famille de Saône et Loire (M.O.Mergnac) et se répartit
ainsi entre la Saône et Loire et les départements
limitrophes :
-
Saône et Loire : 54 dans les zones de Gueugnon, Montchanin,
Montceaux les Mines, Chalon, Mâcon, Savigny, Cuisery
-
Rhône : 17 dans les zones de Belleville, Morancé,
Villefranche et Limonest
-
Ain : 4
-
Loire : 3
-
Côte d’Or : 2
-
Nièvre : 0
Comme
on le voit, le patronyme Pourprix est surtout présent
en Saône et Loire et dans la partie du Rhône la plus
proche de Propières. En Saône et Loire, on relève
144 naissances de Pourprix depuis 1941. Puisque l’on
sait que les noms de famille sont pour la plupart issus soit de
toponymes soit d’éléments du lexique de la
langue parlée, on devrait en déduire que le mot
pourprix (ou pourpris) a existé en Saône
et Loire et dans le Rhône comme toponyme ; mais si tel était
le cas, on ne comprendrait pas pourquoi ces toponymes ont disparu,
car l’on sait que les noms de lieux sont tenaces et se transmettent
fidèlement depuis la plus haute antiquité. On doit
en conclure alors que le nom pourprix a fait jadis partie
du lexique de la langue parlée en Saône et Loire
et dans le Rhône, comme il a fait partie des parlers du
Gâtinais jusqu’à la fin du XIXe siècle
(23). Il fut utilisé pour nommer les domaines seigneuriaux
et les manses, puis par la suite pour désigner un jardin
ou un verger enclos autour d’une habitation. C’est
déjà cette dernière acception que l’on
rencontre à la fin du XIIIe siècle dans le roman
Claris et Laris d’un auteur anonyme :
Ou
porpris avait arbrissiax et fruit de diverses manières.
C’est
également cette acception que l’on peut lire beaucoup
plus tard, au XVIIIe siècle, dans des fonds notariaux,
sous la forme Pourprix, en 1758 à Hurigny, donc
non loin d’ici, près de Mâcon (André
Jeannet, p.161). C’est également la signification
du pourprix en Gâtinais.
Pour
conclure, il est légitime de se poser deux questions :
1.
Pourquoi porpris a-t-il été préféré
à clusion ou suizon ? La suizon
ne désignait, comme je viens de le dire, que la clôture
formée d’une haie, le porpris désignait
le domaine enclos, ou le verger enclos, autour d’une habitation,
plus rarement la seule suizon ou clôture. On peut
à la rigueur alléguer une autre raison : le terme
suizon, faisait partie du langage paysan, du patois,
or ce langage était considéré par les seigneurs
comme « un langage pauvre et grossier » ; en revanche
on rencontrait le terme porpris dans le langage juridique
et dans la littérature ; il pouvait être perçu
comme un terme mi-savant et faisait partie de la langue, dite
‘distinguée’, des seigneurs qui dirigeaient
la société, pour désigner les domaines et
les manses enclos du monde seigneurial ; c’est ce terme
qui s’est imposé.
2.
Pourquoi le mot pourpris n’a-t-il pas été
retenu pour nommer des lieux-dits ? Ce mot, dans une région
riche en pourpris, est devenu un terme générique
; or pour nommer les lieux-dits, c’est un nom distinctif
qui est toujours retenu, par exemple dans l’expression le
pourpris de La Biraude, c’est La Biraude qui
sera choisie. Et ceci vaut pour toutes les régions. Pourtant
on rencontre les lieux-dits Pourpris et Le Petit
Pourpris en Gâtinais, à Saint-Germain-des-Prés
(Loiret); dans une région où les pourpris étaient
plus rares, cette appellation pouvait être utilisée
dans la toponymie car elle avait une valeur distinctive : la forme
du nom ne nous dit-elle pas qu’il n’y avait là
qu’un petit pourpris face au (grand) pourpris ?
En
revanche, pour nommer le pays riche en pourpris qu’était
alors la paroisse « purpureas »,
ce sont bien entendu le pluriel Les Pourpris, puis Pourprières
qui seront utilisés, car dans ce cas ces formes constituaient
un trait distinctif du pays.
On
voit que l’hypothèse de Pourpris pour expliquer
l’origine de Propières n’est pas fondée
sur une illusion.
ANNEXE ÉTYMOLOGIQUE
Audin
: provient du burgonde Aldini, le
Vieux ; attesté dès 741.
Azole : dérivé d’une racine
préceltique as ou aus
relative à l’eau, qui donne son nom à des
rivières et à des sites près de cours d’eau
: Oze, cours d’eau de l’Auxois, Ozolles
et, bien sûr Azole, Azolette et la rivière
Oiselière ; le nom de cette rivière, qui
devrait être Asolière, a subi une modification
à la suite d’une étymologie populaire : «
la rivière aux oiseaux ».
Berthelier (Le-) : dérivé du nom
francique Bert, l’Illustre, attesté
dans les chartes de Cluny dès 975 sous la forme Bertelus.
La Biraude : dérivé du nom propre
gaulois Birrus, Le Courtaud. La
Biraude est donc le domaine de Birrus.
Botton (le-) : dérivé du germanique
Botto, le messager.
Chabert : dérivé du latin caper,
le bouc.
Chirette : dérivé du préceltique
cara, la pierre ; cette racine est à
l’origine de chiroux, pierreux, en Brionnais,
et des nombreux Crays. Chirette est alors soit
le petit endroit pierreux ou rocheux, soit le petit rocher, soit
le petit domaine empierré.
Croux (Les -) : variante de Creux.
Les Henrieux : nom d’origine germanique
Henricus, attesté dès 776.
Le Méry : dérivé du latin
matriacus, la propriété de Matrius,
nom propre latin dérivé du nom de la mère,
mater.
Nervet : Selon A.M.Vurpas et Cl.Michel, ce nom
serait dérivé d’un mot gaulois qui désigne
un pré au bord d’un cours d’eau.
Peillon (le-) : dérivé diminutif
de puy, éminence, hauteur,
lui-même issu du latin podium, de même
signification.
Ruère : dérivé de ru,
le ruisseau. Ruère est un lieu baigné
par un ou plusieurs ruisseaux.
Théodon : dérivé du germanique
Theoldus, attesté au Xe siècle,
lui-même issu de theuda, le peuple.
Le
Vermorel : morel est une forme de l’adjectif
maure, brun ; vermorel signifie
Vers ou chez Le Brun.
QUELQUES
RÉFÉRENCES
-
Comby (Abbé Auguste-) (1942), Histoire de Propières,
Association « Patrimoine en Haut Sornin », Imprimerie
clayettoise, 2011.
-
Charmasse A. de –, Cartulaire de l’évêché
d’Autun ou Cartulaire rouge, Publication de la Société
éduenne, De Jussieu, Autun, 1880.
-
Chaume M., Les origines du Duché de Bourgogne,
Jobard, Dijon, 4 vol., 1925-1937.
-
Courtépée Cl. et E. Béguillet, Description
générale et particulière du Duché
de Bourgogne, Horvath, Le Coteau, 1967, 4 vol., 1788.
-
Chrestien de Troye (A)., Erec et Enide, roman arthurien,
1170.
(B),
Yvain ou Le Chevalier au lion, roman arthurien, 1175.
-
Duby G., Qu’est-ce que la société féodale
?, Flammarion, Paris, 2002.
-
Goyard B., Le mont Tourvéon, Ganelon, tome 2,
non commercialisé.
-
Jeannet A., Glossaire du langage populaire de S. et L.,
St Gengoux de Scissé, 1996.
-
Lachiver M., Dictionnaire du monde rural, Fayard, Paris,
1997.
-
Mergnac M.O., Les noms de famille de Saône et Loire,
Archives et Culture, Paris, 2007.
-
Métais M., Un parler gâtinais, Les Amis
du Vieux Montargis, Impr. De Pithiviers, 2004.
-
Rossi M., Les noms de lieux du Brionnais-Charolais, Publibook,
Paris, 2009.
-
Pitte J.R., Histoire du paysage français, Tallandier,
Paris, 2003.
-
Taverdet G., Les noms de lieux du Rhône, Fontaine-les-Dijon,
A.B.D.O., 1987.
-
Taverdet G., Les patois de Saône et Loire, A.B.D.O.,
Dijon, 1980 (ch. XIII, pp. 221 et sq.).
-
Vurpas A.M. et C. Michel, Noms de lieux de la Loire et du
Rhône, Bonneton, Paris, 1997.
-
Wartburg (W. von -), (1928, sq.), Französisches Etymologisches
Wörterbuch, Zbinden Druck, Bonn, Leipzig, Basel. 24
vol.
(23) Le Gâtinais est la région autour de Montargis
dans le Loiret, à l’ouest d’Auxerre (voir Michel
Métais, p. 239).
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