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Le
nom de Propières : quelle origine ? (2/3)
(En
patois “Propire”)
DEUXIÈME
PARTIE
L’origine
de Propières sur la base de Pourpris (var.
porpris), l’enclos.
I-
Les formes anciennes sont-elles en adéquation avec l’origine
proposée : Pourpris, Porpris ?
Dans
la liste des appellations de Propières
données par l’abbé Comby, on doit distinguer
les formes françaises des formes latinisées.
Ainsi,
les formes françaises sont : Porprières
en 1340, Porpières en 1402, Pourpière
en 1470 (« Anelise de Pourpière »), Pourpières
en 1670, Propières après cette date.
Les
formes latinisées sont Purpureas
au XIe siècle, Porperiis en 1295,
Porpreres en 1300, Pourpririis
en 1343, Pourpreriis en 1474 et 1491.
On a alors le tableau suivant :
XIè
siècle |
1300 |
1340-43 |
1402 |
1470-74 |
1670 |
1700 |
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Porprières |
Porpières |
Pourpière |
Pourpières |
Propières |
Purpureas |
Porperiis |
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Porpreres |
Pourpririis |
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Pourpreriis |
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Il
convient d’avoir à présent à l’esprit
avant toute discussion que les formes latinisées anciennes,
comme je l’ai déjà dit plus haut, ne réfèrent
pas toujours à l’étymologie du nom qui n’était
pas ou rarement connue ; il s’agit d’une latinisation,
parfois d’une interprétation, souvent dans un latin
approximatif, du nom en français local tel qu’il
apparaissait soit dans les documents, soit dans la région
d’origine. Ces latinisations nous fournissent au mieux une
idée de la forme française du mot de l’époque,
ce qui est déjà beaucoup... ou peuvent nous faire
faire fausse route ! Alors soyons prudents !
Il
faut savoir en effet que les lois de phonétique historique,
plus généralement de linguistique historique qui
permettent de comprendre l’évolution d’une
langue à l’autre, par exemple du latin au français,
n’ont été connues et établies qu’au
cours du XIXe siècle. Auparavant, on ne pouvait aucunement
fonder une étymologie fiable. Un des grands exemples de
ces étymologies fantaisistes, faute des connaissances requises,
est Ménage dans son fameux Dictionnaire de la langue
française au XVIIe siècle ; les étymologies
données par Courtépée au XVIIIe siècle
sont aussi peu fiables.
Quelle
est l’origine de Propières qui puisse rendre compte
de toutes ces formes ? Il existe un mot, le pourpris
ou porpris, attesté depuis au moins le
XIe siècle et très fréquent dans la littérature
du Moyen Age. Ce nom dérive de porprendre,
envahir encercler un territoire ; du sens d’encercler
on est passé à celui de clore, entourer d’une
haie ou d’un muret. Le pourpris ou
porpris a pris ainsi le sens dès le Haut
Moyen Âge d’enclos, jardin, parc
(voir sous II- La nature des Pourpris).
Si
on fait l’hypothèse que Les Pourpris
est le nom originel de Propières, les premières
latinisations attestées confirment cette hypothèse.
Ainsi Propières est citée comme paroisse dans un
Pouillé du diocèse d’Autun, sous le nom de
purpureas (7), peu après l’an Mil
(A. de Charmasse, p. 365). Pourquoi Purpureas
?
Dans
la latinisation, les clercs ajoutaient très souvent des
voyelles entre les consonnes car ils s’étaient rendu
compte, lorsque l’étymologie était claire,
que du latin aux parlers populaires, beaucoup des voyelles disparaissaient.
On a donc tendance à ajouter une voyelle entre les consonnes
du groupe pr ; mais quelle voyelle ? La forme
pourp à l’initiale de pourpris
fait immédiatement penser à purpura,
la pourpre, et la forme pourpris pouvait évoquer
l’adjectif pourprées, ‘qui a la couleur
de la pourpre’ : les clercs voyaient donc là l’étymologie
possible du nom. Ensuite on n’a plus le choix, on interprète
is comme l’aboutissement de la forme complément
de l’adjectif au pluriel d’où purpureas,
ce qui laisse supposer que le nom premier de Propières
était Les Pourpris, les clos
:
P
ou rp r i s
P
u rp u r eas
Continuons.
À
la fin du XIIIe siècle, en 1295, les clercs, plus sages,
abandonnent apparemment l’étymologie à partir
de la pourpre et latinisent porpris sous une forme très
voisine de l’original, sans interprétation étymologique
: Porperiis. On remarquera qu’on n’a
plus pourp, mais porp, ce qui laisse
supposer que les deux formes Pourpris et Porpris
étaient bien attestées et que Porpris
était la forme dominante sur le territoire de la paroisse,
conformément à la phonétique des parlers
locaux. Cette fois-ci la forme latine traduit un mot masculin
pluriel au datif (complément indirect), comme si on disait
aux Porpris, et la voyelle ajoutée est e,
la plus fréquente des voyelles latines qui disparaissent
:
Porp
r is
Porp
er iis
Il
n’est peut-être pas inutile de préciser que
les formes Porperiis et Pourpririis
(XIVe), dont la terminaison est au datif pluriel, supposent la
forme primitive is de pourpris
comprise alors comme un datif pluriel.
À
partir de 1300, la latinisation et la forme française sont
les témoins d’un changement important dans la forme
du mot : désormais le pluriel Aux Porpris
est complété par le suffixe ière
(du latin aria : suffixe collectif d’appartenance
ou d’occupation) et l’on obtient Porprières,
c’est-à-dire l’ensemble des Pourpris ou
le territoire des Pourpris (8). C’est effectivement
à partir du XIIIe siècle que la majeure partie des
noms en ière voit le jour sur le territoire
français. Et ce changement morphologique est attesté
dans les transcriptions françaises en 1340, Porprières,
précédées en 1300 d’une forme adéquatement
latinisée, Porpreres (9) :
Porpr
iè res
Porpr
e res
On
remarquera que les clercs traduisent le mot français sans
retour à la forme latine aria du suffixe,
mais transcrivent une forme où le premier a
accentué de ce suffixe a déjà
évolué vers e ; c’est le
cas d’ailleurs depuis le Xe siècle dans les Chartes
de l’abbaye de Cluny : ainsi Bussière est
latinisé par Busserias, Serrières
par Sarrerias, etc...
Les formes latines qui suivront jusqu’au XVe siècle
: Porpririis et Porpreriis ne
sont que des variantes au datif pluriel pour traduire Aux
Porprières. Les variantes e et
i ne sont que la traduction de l’une des
voyelles i ou e de la diphtongue
ie de Porprières.
Aux
Porpr i è res
Porpr
i riis
Porpr
e riis
Un
autre phénomène, phonétique celui-là,
intervient à partir des années 1400, c’est
la chute de la consonne R dans le deuxième
groupe pr à l’intérieur du
mot ; ce fait n’est autre qu’une simplification de
la prononciation : deux R qui se suivent sont
en effet difficiles à prononcer et n’étaient
certainement déjà plus prononcés tous deux
depuis longtemps même s’ils étaient encore
présents dans le nom officiel du village : d’où
Porpières (1402), Pourpières
(1670) et Propières (1700).
En
ce qui concerne pro(pières) au
lieu de por(pières), il s’agit
ici aussi 1. d’un changement pour faciliter la prononciation
: dans les groupes tr, pr, etc.
à l’initiale, la prononciation est plus facile que
lorsque R se trouve en fin de syllabe devant
une consonne ; 2. d’un changement facilité aussi
par l’analogie avec les nombreux mots qui commencent par
le préfixe pro-. Ce phénomène,
appelé ‘métathèse’ est très
fréquent dans l’évolution linguistique.
En
conclusion, cette origine Pourpris, sa variante
porpris et sa construction plus tardive porprarias
rendent parfaitement compte des formes anciennes et des latinisations
successives du nom de Propières, le
territoire des enclos, des jardins ou des vergers.
II- La nature des Pourpris (Porpris) ?
Si
pourpris (porpris) est à
l’origine de Propières, que représentaient
ces pourpris ? Comme je l’ai dit plus haut, le pourpris
désignait alors, au moins depuis le XIe siècle,
un lieu enclos. Mais que doit-on entendre précisément
par là ?
Dans le Dictionnaire de la langue française et moderne
de 1759, il est dit du pourpris : « Le mot est ancien…Ce
terme signifie…l’enclos, les environs et prochaines
clôtures de quelque lieu seigneurial, chaslet, manoir et
hostel noble ou de l’Église. ». Autrement
dit le pourpris est une propriété seigneuriale ou
ecclésiastique enclose. C’est la signification que
l’on rencontre en 1170 dans ces vers de Chrestien de Troyes
(A, v. 5350) :
Tot
croist dedanz le porpris,
Quanqu’a
riche castel covient
(10)
C’est
également la signification que l’on trouve chez Courtépée
au XVIIIe siècle quand il parle des biens ecclésiastiques
de Saint-Symphorien-du-Bois (p. 142) : « …enfin
le curé a aussi un fief avec justice qui comprend son pourpris,
ses fonds curiaux et autres… ».
Ainsi
le pourpris désignait la propriété enclose
comprenant la demeure d’un seigneur ou d’un homme
d’église, avec ses dépendances et les terres
contiguës, en particulier, le verger et le jardin, comme
l’écrit encore Chrestien de Troyes (A, v. 5352)
:
Et
fruiz et blez et vins i vient,
Ce
porpris était constitué par la ‘réserve’
du domaine seigneurial ; cette ‘réserve’ était
enclose et solidement protégée par un mur ou par
une haie. Y avait-il à Propières des propriétés
seigneuriales encloses, à l’époque, le Xe
siècle, où ce nom de porpris, ou
pourpris, aurait été donné
à la paroisse qui, plus tard, au début du XIe siècle,
apparaît sous le nom de « Purpureas
» (voir sous I- Les formes anciennes…)
?
Selon
l’abbé Comby (p. 40), « Vers l’an
1100… cette paroisse comprend alors deux petits seigneurs
l’un à la Farge… l’autre au bourg…
et enfin troisièmement une prévôté,
dont le siège était le village d’Azole et
qui appartenait au seigneur de Beaujeu. ». Qui étaient
ces petits seigneurs ? Toujours selon l’abbé Comby
(p. 39), il s’agissait de riches petits propriétaires
anoblis par le seigneur de Beaujeu. « c‘est ainsi
», dit-il, « que se formèrent les
petites seigneuries de..La Farge et La Tour sur Propières.
». Ces petits seigneurs habitaient des maisons fortes construites
sous l’autorité du seigneur de Beaujeu : «
Ces maisons fortes étaient de grosses fermes, dont
les bâtiments étaient rangés en carré
et qui contenaient d’un côté les logements
d’un fermier, et de l’autre côté le logement
du seigneur » (p. 48). Peut-être a-t-on un souvenir
de ces maisons fortes dans le lieu-dit Les Fonds Carrés
? Si ces bâtiments et les terres contiguës étaient
enclos nous avions des pourpris. Étaient-ce là les
seuls pourpris seigneuriaux ? Il est loisible de penser qu’il
y en avait d’autres qui n’ont pas laissé de
traces dans les archives ; en particulier celui d’un riche
propriétaire de Propières au Xe siècle, un
certain Richard (Abbé Comby, p. 18), dont
il sera question plus loin, ou encore celui des de Marchampt,
les ancêtres des de Propières (Abbé
Comby, p. 48). Deux lieux-dits sont sans ambiguïté
sur l’emplacement de ces pourpris seigneuriaux ou ecclésiastiques
: 1. Les Condemines, terme de droit médiéval
qui désignait les terres proches du château réservées
au seigneur ; 2. La Gardette : les clercs n’avaient
ni le pouvoir, ni la possibilité de protéger certains
de leurs domaines ; ils se voyaient donc contraints de faire appel
à la puissance du seigneur ; La Gardette est un
petit domaine ecclésiastique, un pourpris, gardé
par un seigneur en contrepartie d’un droit de garde.
En
conclusion, l’histoire et les lieux-dits nous renseignent
déjà sur un nombre non négligeable de pourpris
seigneuriaux et ecclésiastiques, huit au total : les pourpris
de La Farge, de La Tour, d’Azole,
peut-être ceux de Richard et des de Marchampt,
ceux enfin des Fonds carrés, de Les Condemines
et de la Gardette.
Mais
les pourpris ne désignaient-ils que les seuls domaines
seigneuriaux enclos ? Hors de la réserve enclose ou pourpris,
la propriété seigneuriale s’étendait
sur ce qu’on appelait, selon la mode gallo-romaine, les
villas : la villa, dirigée par un intendant,
était subdivisée, dès le VIIIe siècle,
en petits domaines appelés manses (11)
sur lesquels travaillaient des paysans demi-libres ou libres qui
en contrepartie reversaient au maître une redevance sous
diverses formes. Il ne faut pas confondre le manse avec les habitations
des paysans les plus pauvres, les serfs, que le maître installait
sur ce qu’on appelait les quarts de manse en contrepartie
du travail qu’ils fournissaient sur la réserve :
ces paysans pauvres habitaient des masures nommées les
Cadolles (12) ; nous avons Les Cadolles près
de La Gardette, ce qui ne s’invente pas.
Le
manse, lui, était constitué de l’habitation
rurale et de ses dépendances auxquelles était attachée
une quantité de terres variable (13). Comme le précise
Georges Duby (p. 49), le manse : « rassemble en une
seule pièce, de dimensions restreintes et d’ordinaire
enclose, les bâtiments d’habitation et d’exploitation,
leurs aisances et quelques bonnes terres qui leur sont jointes,
jardin, chenevière, verchère, souvent une petite
vigne, parfois un pré. » (14). Le manse ainsi
défini est donc d’un seul tenant, bien ramassé
et clos. C’est un pourpris. On rencontre encore ce type
de pourpris paysan au XVIIIe siècle (15) en Charolais.
Le
pourpris est lié à la famille paysanne qui l’habite
et le cultive, et souvent porte son nom (16) : ainsi des noms
de lieux-dits tels que Audin, Augros, Le
Berthelier, La Biraude, Chabert, Les
Henrieux, Le Méry, Théodon,
Le Vermorel, ont pu désigner des manses à
une époque ou à une autre (voir l’Annexe
pour l’étymologie) ; ces noms, attestés pour
certains dès le VIIIe siècle, sont soit d’origine
gauloise (La Biraude), soit d’origine latine (Chabert,
Méry), soit d’origine germanique (Audin-anciennement
Odin-, Le Berthelier, Le Botton, Les
Henrieux, Théodon)i ; d’autres précisent
une particularité du personnage (Augros, Le
Vermorel). Outre le nom de la famille, les pourpris peuvent
prendre, à cette époque où ils se multiplient,
le nom d’un aspect du paysage où il est établi
: sur une hauteur (Le Peillon) ; près d’un
ruisseau (Ruère, Nervet) ; dans un vallon
(La Combe) ; dans le creux d’une colline (Les
Croux) ; en un lieu rocheux ou pierreux (Chirette).
Il est tout à fait possible que ces toponymes aient désigné
d’anciens manses ; en tout cas, il en est un qui ne trompe
pas, c’est Le Magny : ce nom en effet provient
d’un adjectif dérivé de la même racine
que manse (voir note 3) et désignait un terrain destiné
à la construction d’un manse.

Cette
figure est élaborée à partir des vues
aériennes de Google Earth, sur le ‘grand côté’
de Propières. J’ai tracé les limites
hypothétiques, reconstituées à partir
de certains repères (anciens chemins, etc.), de quelques
pourpris, tels que les pourpris seigneuriaux (Les Condemines)
ou ecclésiastiques (La Gardette) et les manses-pourpris
(tous les autres peut-être). Les surfaces de ces pourpris
sont comprises entre 6ha (Audin) et 65ha (Les Condemines). |
Comme
le précise Chaume (17), ces manses d’un seul tenant
appartenaient aux pays d’enclos, tandis que ceux qui étaient
constitués de champs dispersés appartenaient aux
pays de champs ouverts ; ces derniers étaient essentiellement
les pays de plaine aux champs cultivés en longueur. Les
pays d’enclos sont les pays de collines et de montagne ;
on comprend la nécessité des pourpris dans ces régions
pour protéger les cultures et éviter l’incursion
des bêtes sauvages, plus particulièrement des cerfs,
des sangliers et des loups qui pullulaient dans les forêts
et montagnes environnantes. C’est la raison pour laquelle
le pourpris en est venu à désigner la simple clôture
de protection. C’est cette dernière acception que
l’on trouve également chez Chrestien de Troyes (B,
v. 342) aux alentours de 1175, dans ce vers :
Je
gart si cestes (bestes) et justis que ja n’istront de cest
porpris (18)
où
un paysan garde son troupeau en un lieu boisé et veille
à ce qu’elles ne traversent pas la clôture.
Dans
la région de Propières et dans le canton de Chauffailles,
cette clôture de protection connaissait alors un autre nom
: la suizon (19). En effet, si aujourd’hui la suizon
désigne la ‘haie’, elle désignait jadis
la ‘clôture’ comme le révèle sa
forme ancienne clusion (20). Très vite
la clusion, puis sa fille la suizon,
se sont spécialisées pour ne plus désigner
que la clôture du bocage, c’est-à-dire la haie.
Dans
les chartes de Cluny, il est fait maintes fois allusion aux manses
dès le début du Xe siècle : ainsi ce Richard,
dont nous avons déjà parlé plus haut, fait
don à Cluny, aux environs de l’an mil, de deux manses,
l’un dans la villa nommée « Azolas
» et l’autre en un lieu nommé « ad
Rocam » (21). Selon l’abbé Comby il
s’agirait de l’actuelle Azole et de Belleroche. Nous
sommes là aux portes de Propières. On remarquera
dans le texte original que ce Richard ne se contente pas de donner
l’habitation, il y ajoute chaque fois toutes ses dépendances
: « quicquid ad ipsum mansum pertinet (22)».
Autrement dit, il fait don d’un pourpris, car nous sommes,
dans ce pays de montagne, en pays d’enclos.
Comme
je l’ai dit plus haut, la paroisse de Propières,
dite « Purpureas », existait déjà
à cette époque ; elle était donc habitée,
par conséquent il pouvait y avoir là de nombreux
manses enclos, autrement dit des pourpris paysans, aux côtés
des maisons fortes qui formaient les pourpris seigneuriaux. Pour
que cette paroisse méritât le nom Les Pourpris,
puis celui de Pourprières, c’est-à-dire
le ‘territoire des pourpris’, ces derniers devaient
recouvrir la plupart des collines qui constituent le paysage de
Propières. Le village et ses environs apparaissaient alors
au premier coup d’œil du voyageur venu de Beaujeu ou
du Mont Saint Rigaud comme un vaste enclos, lui-même constitué
d’un entrelacs de meurgers ou de haies. La multiplication
intensive des haies ou suizons, la naissance du bocage
tel que nous le connaissons aujourd’hui, date en réalité
du grand développement de l’élevage au XVIIIe
siècle. On comprend dès lors que la présence
d’un riche entrelacs d’enclos au XIe siècle,
à une époque où l’élevage comptait
relativement peu, pût apparaître alors comme une spécificité
de cette paroisse qui prit le nom de Propières.
Nous étions bien dans la zone et le village des pourpris.
Il
est important de souligner que la multiplication des pourpris
n’était possible que dans une zone déjà
très largement défrichée au Xe siècle
! Or selon Jean Robert Pitte (p. 122) : « Il est maintenant
prouvé que des signes avant-coureurs des grands défrichements
apparaissent aux VIe et VIIe siècles, puis au IXe siècle,
mais c’est principalement entre le XIe et le XIIIe que les
mentions se multiplient dans les textes, révélant
une activité fébrile d’augmentation des espaces
cultivés au détriment du saltus
(la forêt). ». Qui dit défrichement, dit terre
très peuplée, riche d’hommes attelés
au travail de la terre. L’opposition apparaissait alors
nettement, comme elle apparaît encore partiellement aujourd’hui,
entre des collines sèches, chaudes et relativement fertiles
où pouvaient se développer les pourpris, et les
montagnes environnantes recouvertes de forêts et à
la population clairsemée. Il est important de souligner
que le territoire de Propières était alors beaucoup
plus défriché, et donc moins boisé, qu’il
ne l’est aujourd’hui.
(7)
Elle est citée avec 16 autres paroisses, dont Tresdus
(Trades), Semtiniacus (St Igny de Vers), sous la dépendance
de l’archiprêtré du Bois Sainte Marie.
(8) Ce suffixe est très fréquent dans les lieux-dits
: par exemple Les Moussières, les étendues recouvertes
de mousse, La Molière, l’étendue marécageuse,
etc.
(9) A. de Charmasse (p. 368). Dans ce pouillé, Porpreres
apparaît aux côtés de Dunus, Ozola,
Santigniacus et de 25 autres paroisses, toutes sous la
juridiction du Bois sainte Marie.
(10) « Tout pousse dans ce porpris, autant que cela peut
convenir à un riche château ». In Erec
et Enide.
(11) Le mot manse dérive du latin manere,
demeurer ; le sens premier de manse est donc la demeure.
(12) Aujourd’hui ce mot cadolles, d’origine grecque,
ne désigne plus que les cabanes de pierres sèches
dans les vignes.
(13) La superficie de ces manses pouvait varier entre 8 et 30
ha ; leur surface moyenne ne dépasse guère 9 ha.
(14) Il est intéressant de noter que la structure du manse
est encore celle des fermes de notre époque : la permanence
de l’histoire !
(15) Encore au XVIIIe siècle, on rencontre le pourpris
en ce sens : « parfois clôturée par une ‘cloison’
(= muret ou meurger) ou un ‘plassis’ (le piéssis
ou haie), la zone habitée du manse constitue le pourpris,
ensemble de bâtiments et de parcelles contigües.».
In Mottes et Maisons fortes du Charolais, A. Berger,
F. Emorine, L. Grégoire et G. Lemetayer, p. 163.
(16) Les Jolivets, qui désigne une famille, est
une forme relativement récente qui daterait du XVIIIe siècle.
(17) Chaume, Les Origines du duché de Bourgogne,
II, 2, p. 550.
(18) « Je garde ces bêtes et les dirige pour qu’elles
ne sortent pas de ce porpris », in Le chevalier au Lion.
(19) Je remercie Lucien Clément et Michel Passot de m’avoir
confirmé ce nom de la haie dans le parler de Propières.
(20) La clusion fait encore partie de certains parlers
du Roannais pour désigner la haie.
(21) « Ego Richardus dono Deo et sanctis apostolis Petro
et Paolo, ad locum cluniacum, cui preest Odilo abba, unum mansum
in villa qui vocatur Azolas et quicquid ad ipsum mansum pertinet
» ; et in alio loco qui vocatur cappella ad Rocam, dono
alium mansum et totum quod ad ipsum mansum pertinet »
(Charte 2189).
(22) « et tout ce qui dépend de ce même
manse ».
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