Patrimoine en Haut-Sornin
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Le Gros Sapin de Propières

Sur la commune de Propières, lieu dit « Bois des Écluses », était implanté un sapin, certainement le plus important en volume de la région. Malheureusement, devenant dépérissant, les bucherons pour cause de sécurité ont procédé en novembre 2011 à son abattage.

Suivant une étude palynologique (1) de la tourbière du Couty (69430 Chénelette) par l’ARPA (Association de Recherche Palynologique en Archéologie), la tourbière étudiée, d’une hauteur de 90 cm, a pris naissance il y a 3 000 ans. À cette époque, le sapin et le hêtre étaient dominants.


Le Sapin Pectiné

Abies pectinata : Abies alba = sapin des Vosges, famille des pinacées

Historique

C’est une essence naturellement implantée dans tous les massifs montagneux français. Il fait partie de l’imagerie populaire ; c’était le plus connu des résineux avant l’introduction du douglas.

Depuis le début du 20e siècle, il a été largement favorisé par l’homme au détriment des taillis. Sa contribution au développement de l’économie montagnarde est importante. Il constitue des peuplements purs sur le rebord est du Massif Central ; il est par contre plus fréquemment en mélange avec le hêtre et l’épicéa dans les Alpes du Bugey.

Le sapin colonise souvent les peuplements divers ; ses semis s’installent aisément sous un couvert clair. Importante essence résineuse de montagne, il couvre en région Rhône Alpes plus de 150000 hectares. Il existe 36 espèces différentes de sapins (ex : amabilis, cephalonica, concolor, fraxoniana, grandis, magnifica, nordmaniana, pinsapo…).

Caractéristiques du sapin

Arbre pouvant atteindre 50 mètres de haut, on le reconnaît à son écorce grise et lisse dans son jeune âge, puis crevassée par la suite. Ses feuilles sont des aiguilles non piquantes, avec deux bandes blanches sur la face inférieure. Elles sont disposées sur un seul plan comme les dents d’un peigne, d’où son nom de « pectiné ». Ses fruits sont des cônes dressés qui se désarticulent sur l’arbre à maturité (on ne trouve donc pas de cônes au sol). Il exige une a humidité atmosphérique élevée et constante. Le sapin est une essence d’ombre supportant un couvert dans son jeune âge ; sa croissance est lente les premières années. Il supporte bien les grands froids mais craint les gelées printanières. Il présente une très bonne capacité de régénération naturelle (production abondante de graines).

Le sapin, même s’il supporte l’ombre, a besoin comme les autres essences d’espace pour se développer régulièrement et librement. Il est donc nécessaire d’intervenir en coupe régulièrement afin d’assurer une bonne production de bois et d’obtenir des bois de qualité.

Les forêts de sapin constituent en même temps :

• une forêt productrice de bois,
• un vaste espace de loisirs (randonnées, VTT, chasse), riche en espèces végétales et animales,
• une protection contre l’érosion,
• un patrimoine individuel et collectif,
• une source de revenus et d’emplois.

Il y a plus de quatre siècles, en l’an 1562...

Compte que rend au seigneur de la Farge sous la dénomination de Monseigneur de St Menge Antoine Charreton, fermier de la terre de la Farge, des revenus extraordinaires qu'il a echangés, tant des ventes de bois qu'il a fait que autres. Le compte non signé ni daté, il paraît seulement qu'il a été rendu dans le courant de 1562.

Antoine Charreton Bourgeois de Beaujeu est un notaire royal associé à Philibert Jardin pour acheter la charge de fermier des domaines de la Farge à Propières en Beaujolais. Nous donnons la retranscription des comptes qu'il rendit en 1562.

Estat et compte que Anthoine Charreton, fermier de la seigneurie de la Farge rendit à Monseigneur de Sainct Menge, seigneur de ladicte seigneurye de la Farge, des deniers extraordinaires qu'il a mannyés et sont procéddés, tant dans des obligations particulières que de vente de boys que ledict Charreton a venduz par le commandement dudict seigneur, depuis qu'il est possesseur de ladicte seigneurye.
• Premièrement, a receu Led. Charreton de Jehan Odin le jeune de Propières la somme de 23 Livres qu'il venoit obligé pour boys à luy vendu par Mons(eigneu)r le chambrier de Charlieu. Pour ce sont XXIII l tz
• Plus a receu de Pierre Bernardin dict canot qu'il venoit obligé aud. Seigneur pour les boys qu'ils avont prins dix livres
• Plus d'Anthoine fils de Benoist au Prost six escus sols qu'il estoit obligé aud seigneur pour accord des boys qu'il auroit prins à la farge XV l tz –

• plus a receu de Jehan Dalphin la somme de 12 L pour boys XII l tz
• plus a receu de Claude Odin la somme de cinquante livres tz pour la montre de cent livres qu'il devoit obligé à mons. Le seigneur pour accord qu'il mont faict des boys par luy prins à La farge. Lesquels 50 livres mond. Seigneur commanda audict Charreton, et dernier 25 livres à Huhues Charreton, son fils pour ses peynes par luy prinses à garder lesdicts boys et poursuyvre les larrons diceulx parquoy ne faict recepte j'ay que de 25 livres, pour ce j'ay : XXV l tz
• Mondict seigneur a receu dudict Odin à Charlieu les aultres 50 livres et en est deschargé. Led. Charreton envers led. Seigneur qui luy a faict quictance.
• plus a receu de Denys et Benoist Crozet dict Regnard frères deux escus qu'ils venoyent obligés aud
seigneur pour accord des boys par eulx prins
• plus a receu de Benoist Dutel et ses consorts 60 livres tz pour l'aservizement du moulin de la Berge.
• plus a receu de Claude Berthelier dict le Rosset 13 livres pour boys qu'il luy prins.
• plus a receu de Jeahan Chetail cent sols pour du boys qu'il auroit prins
Comme du receu VIII XX VII livres tournois : (167 livres tz).
Ne faict pour le présent aulcune recepte Led. Charreton des obligations et sommes cy après déliassées par ce qu'il ne les a receues de ceulx qui les doivent :
• premièrement de la somme de quinze livres veu par Benoist Nesme alias de la fougère qui seraoit obligé de la somme à mondict seigneur, pour accord faict pour des boys qu'il auroit prins aux boys de la farge par ce qu'il est sy pauvre qu'il n'a moyen de payer Jusques. J'ay pour ce XV l tz
• Ay moins faict recepte led. Charreton de la somme de 40 L deue par Jehan fils de Jehan de la gardette.
• Ay de la somme de 82 livres 10 sols deubz par led. De la gardette père et par Mathieu de la Combe, son gendre parce que les suznommés n'ont sceu payer lesd. Sommes pour ce, j'ay 122 livres 10 sols
• Aussy ne faict recepte led Charreton de la somme de 35 livres de laquelle il auroit faict accord à Loys de la Combe qui d'icelle auroit promis se obliger à mond. Sgr pour les boys qu'il auroit mal prins aux boys du seigneur, ce que depuis n'auroit voullu faire ains à dict qu'il ne s'en obligera ny moins payera la somme et le fauldra poursuyvre par justice du mal qu'il a faict pour ce, j'ay 35 L tz

Comme ce qui est cy-dessus deu 167 livres 10 sols.

Sensuict la vente des boys que ledict Charreton a faicte avec son fils Hugues des boys de la farge, suyvant l'ordonnance de mondict seigneur :
De sabmedy 25è octobre 1560, présents Claude ou Martinet Jacques Briday ou plusieurs aultres
• A vendu à Claude Ougroz, dict le courtant de Stigne (2) deux arbres sapins à luy livrez à la buyrie au pris de trois livres dix sols que led. Charreton a receu.
• A vendu à Benois Denys de Proprières ung sapin à luy livré au lieu de la buyerie au pris de trente cinq sols qu'il doict encores,
• A vendu à Jacques Briday aud lieu ung sapin 35 sols qu'il a payé aud Charreton,
• A vendu à Jehan fils de Pierre Bernardin alias canot et à Anthoine fils de Benoist Auprost ung sapin pris audict lieu au pris de 40 sols tz qu'ils ont payé,
• A vendu à Benoiost Paris et Loys fils de Loys de la Combe ung sapin au pris de 40 sols qu'ils ont payé
• A vendu à Claude fils de Philibert Barjat ung sapin au pris de 40 sols, payé,
• A vendu à Claude Berthelier dict le Rosset ung sapin au pris de 35 sols, payé,
• A vendu à Pierre Charvigny ung sapin de 33 sols payé
• A vendu à Claude ou martinet deux sapins au pris de 3 livres 15 sols, payé
• A vendu à Benoist Dutel trois sapins au pris de 5 livres 11 sols payé
• A vendu à Loys de lacombe ung sapin au pris de 35 sols qu'il doict payer,
• A vendu à Janot Odin deux sapins pour le pris de 4 livres payé
• A vendu à Denys Odin alias denis un sapin 32 sols, payé, plus a vendu aud Janot un autre sapin pour 40 sols , payé
• plus à vendu à Jehan Briday alis caboz ung petit sapin au pris de 30 sols payé
• plus à vendu à Mathieu Jolyvet ung sapin 38 sols payé
• A vendu à Catherin Garjols de Stigné ung sapin 35 sols payé,
• A vendu à Claude Ducharne ung sapin 38 sols payé
• A vendu à Estienne Ogidassier (3) ung sapin 35 sols payé
• Comme grosse (4) de ce qui a esté cy vendu 45 livres 18 sols, dequoy est deu 3 livres 10 sols.

 


Sur la carte d’état Major de 1820, 1866, la forêt du Vallon du Sornin est dénommée « Bois de la Farge »

 


Sur la carte IGN actuelle, la dénomination « Bois des Ecluses » a été ajoutée.
Le gros sapin était implanté au « Bois des Ecluses ».

 

Les repères B601, B391, B392, B595, B397, B398 situent l’implantation de moulins à scier le bois sur la rivière « Sornin » dans le vallon du Sornin. B398 est distant de 500 mètres environ de B601.

A gauche, la rivière Sornin, à droite, un affluent de la rivière Sornin qui délimite les communes de Propieres et Saint Igny de Vers. La rencontre de ces deux rivières se situe au niveau de la route départementale. Le gros sapin était situé entre ces deux rivieres.

 

Notice sur les forêts de sapin du Haut-Beaujolais

par H.-L. Seurre, Inspecteur adjoint des Forêts, 1897

Extrait :

2 – Forêts d'Ajoux

Les grandes forêts de sapins qui couvrent le sommet et les flancs de la célèbre montagne de Saint Rigaud, à l’Est de Monsols (mons solis ou mons solus), et qui s’étendent jusqu’à Saint Igny de Vers et Propières, sont incontestablement les plus belles du Beaujolais. Leur contenance totale peut être évaluée à 2000 hectares environ. Elles appartiennent à plusieurs particuliers : MM. De la Charme, Berteau de la Farge, Dumoulin, Dumonteil, Durand, etc…
Leur description comporte à tous égards un développement spécial. Elles offrent à la fois aux fervents des montagnes les excursions les plus attrayantes et aux amis des arbres une série de magnifiques peuplements qui n’ont rien à envier aux forêts vosgiennes ou jurassiennes.
Je crois pouvoir recommander aux uns et aux autres l’itinéraire suivant, qui n’exige, aussi bien pour les Lyonnais que pour les Maconnais, qu’une seule journée après laquelle nul ne pourra dire : Diem perdidi !
Parti de Beaujeu à 7heurs 15 du matin par la voiture de Monsols, j’arrivai vers 9 heures à cette localité et débarquai à 10 heures au col de Champjoin (747 mètres). Apres un repas sommaire dans la maison Bridet, ou je trouve des ressources culinaires inespérées, je pris comme guide Claude Bridet et je m’enfonçai aussitôt dans le frais vallon d’Ajoux, en suivant la route de Propières.
Cette vallée offre des paysages admirables qui présentent la plus grande analogie avec les Vosges. On trouve d’abord de jolis bois de pin sylvestre et d’epicea, puis une belle sapinière appartenant à M. de la Charme. On aperçoit au loin, vers le Nord, les forêts de sapin de Saint Bonnet des Bruyeres et d’Aigueperse et l’on peut examiner de près celles de Saint Igny de Vers. Chemin faisant, je m’arrête dans les hameaux d’Ajoux et des Cannots pour étudier les genres de débits du sapin dont je parlerai plus loin et qui sont spéciaux à cette région. J’arrivai enfin à la scierie des Cannots, au-dessus de laquelle sont établies deux petites scieries à battoirs ou « servoirs » ; elles sont actionnées par les eaux du ruisseau de la Combe et appartiennent à M Berteau de la Farge, propriétaire de la forêt voisine.
On est ici au pied du versant Ouest de la montagne de Saint Rigaud, sur le bord des plus belles forêts de sapin du massif d’Ajoux. Dès que j’eus pénètre dans la forêt, je fus frappé par sa beauté et son extraordinaire ressemblance avec la forêt vosgienne. Rien n’y manque pour rendre l’analogie d’aspect complète : scieries sur les bords, versants rapides, gorges sauvages, beaux peuplements, sapins gigantesques, rocs moussus, eaux stagnantes, ruisselets tapageurs, cascatelles, sol couvert d’un tapis d’airelles-myrtilles, etc.. Trois heures durant, évoquant mes souvenirs de forestier, je parcourus, entre les parties dénommées « Montagne de Tessonniere » et « Bois de la Farge », les cantons appelés par mon guide « les Cannots, la Bardonniere, Montaigut, Combe-Noire et Fond-Buzon », qui renferment de magnifiques futaies de sapin à l’état jardiné. Les arbres, très élancés et maintenus, présentent des troncs d’une régularité remarquable dans ces divers cantons. Les plus longs se trouvent à la Bardonniere et à Montaigut . J’en ai mesuré au clisimetre plusieurs qui ont des circonférences de 2,10 à 2,40 mètres et jusqu’à 38 mètres de hauteur. Les plus gros sont situés au canton Combe-Noire, à l’exposition Nord, dans une coupe en exploitation que j’ai visitée avec empressement. Le plus beau vient d’être abattu : il mesure 3,40 mètre de tour sur la souche, 1,67 au milieu et 35 mètres de longueur totale ; le volume de cet arbre est de 7,770, non compris le houppier et les branchages. Ses accroissements annuels, assez réguliers, ont de 0,007 à 0,009 sur le rayon ; les nœuds sont peu nombreux. Cette coupe , comprenant près de 500 mètres cubes, répartis sur une surface de moins de 2 hectares, a été vendue par le propriétaire, M Dumoulin de Monsols pour le prix de 13500 frs, soit à raison de 27 francs le mètre cube. Contrairement à l’usage adopté dans la région, cette importante exploitation n’a aucun caractère jardinatoire ; c’est presque une véritable coupe à « blanc étoc » commencée depuis 2 ans ; seuls, les petits brins de nulle valeur sont conservés ; ils sont d’ailleurs pour la plupart, brisés ou mutilés par l’abattage des gros arbres que l’on néglige d’ébrancher préalablement. On ne peut que déplorer ces exploitations abusives qui fort heureusement, sont exceptionnelles !
L’arbre connu dans le pays sous le nom de « gros sapin de Monsols » a été exploité il y a quelques années. D’après son propriétaire, M Dumoulin, il avait 4m,35 de tour (à 1m.30 du sol) et 38 mètres de hauteur. On fut obligé de le scier sur place, en creusant un trou dans le sol pour faire jouer la scie, et quatre scieurs mirent trois semaines pour le débiter. Ce sapin géant avait un volume d’environ 17 mètres cubes.


Débit des bois

Chacun sait que le sapin est un bois d’œuvre de premier ordre, qu’il est employé comme bois de charpente et qu’il fournit des planches d’un usage courant. Ce dernier emploi est de beaucoup le plus important.

En Beaujolais comme ailleurs, il existe de nombreuses scieries mécaniques dans le voisinage des forêts de sapin. Ces scieries sont tantôt à eau, tantôt à vapeur, quelquefois mixtes. Les plus fréquentes sont les scieries hydrauliques qui utilisent la force motrice des cours d’eau au moyen de « roues à augets ». Je n’ai point trouvé de turbines dans celles que j’ai visitées, non plus que des roues « Canson ». Les petites scieries à « battoirs » ou « à bloc », du système primitif, se rencontrent encore sur quelques points, mais elles sont généralement abandonnées. Outre les chariots avec scies rectilignes pour le débit des planches, les scieries beaujolaises sont pourvues de scies circulaires pour les échalas et les lattes.

Le sapin est le seul arbre résineux débité dans les scieries. Les tronces de sciage ont 2m.60 à 3 mètres de longueur ; les planches, 1 pouce d’épaisseur (0m,027) et 0m,28 de largeur. Celles-ci se vendent en scierie au mètre carré (1 fr. à 1fr.10) ou à la toise.

Les échalas, dont on fait une énorme consommation dans les régions vinicoles voisines, depuis la reconstitution des vignobles, constituent ici un débit spécial. Ils sont découpés par les scies circulaires dans les bois de faibles grosseurs ainsi que dans les rebuts ou dosseaux des grosses tronces. Il ont en moyenne 1m,66 de longueur et se vendent à raison de 25 fr. le mille. Les viticulteurs les imprègnent de sulfate à la base pour en prolonger la durée.

Indépendamment de son utilisation comme bois de sciage, le sapin alimente une industrie spéciale, assez importante, qui occupe la majeure partie des habitants de la commune de Saint Igny de Vers et de plusieurs autres localités riveraines des forêts d’Ajoux : on fabrique dans ce coin le plus forestier et le plus reculé du Beaujolais, des cuviers de 6 à 8 pieds de tour, des bennes de vendanges (dont les cercles sont en noyer), des barattes, des échelles (dont les barreaux sont en chêne) et des râteliers. Pour les merrains des cuviers et des bennes, les bois doivent être exempts de nœuds, parfaitement sains et de bonne fente. Ces bois d’industrie de premier choix sont achetés en foret au prix de 30 fr. le mètre cube en grume.

 

Les forêts du département du Rhône

In : Les études rhodaniennes. Vol. 10, n° 3-4, 1934. pp. 113-161
par Jean Sornay

Extrait :

 

(1) Palynologie, étymologiquement « science des poussières » = étude du pollen
(2) Saint Igny
(3) C a d : Aujudassier
(4) Le lecteur fera les comptes pour verification, le transcripteur : A Accary


dernière m.a.j. : 30.12.22->->